mercredi 9 juillet 2014

PORTRAIT "BALLADS": JAN GHAZI

C'est tout d'abord sur un disque de Mathieu Boogaerts que j'ai lu pour la première fois le nom de Jan Ghazi. Ou peut être sur un disque de chez Source. Peut être même ai je entendu parler de lui à propos de la compilation Source Rock, qui, d'après moi, annonçait tout simplement en 1998 ce que la France allait dessiner comme matière musicale pop dans les années 2000. Ou peut être ai je entendu parler de lui à propos de Phoenix qui publiait un titre pour la première fois sur cette même compilation. A moins que ce soit à propos de la chanteuse Camille, dont j'admirais le virage vocal. A moins que ce soit à propos de son jeu de pedal steel et steel guitar, dont peu de gens savent jouer en France. A moins que ce nom là soit revenu plusieurs fois, des balbutiements de la french touch aux disques de Mathieu Boogaerts ou Camille. Le nom résonnait tant que je me suis mis rapidement à chercher à joindre ce personnage intrigant qui semblait avoir une oreille érudite et spontanée. Un précurseur, un découvreur. Le bonhomme était difficile à trouver, difficile à joindre et semblait être un électron libre parisien. J'habitais Bordeaux, et je sentais à des centaines de kilomètres de là comme une complicité entre Ghazi et le producteur Stéphane ALF Briat , dont j'admirais les réalisations. De si loin, ces personnages là avaient l'air d'avoir du goût mais aussi une vision globale, avec un pied dans l'héritage et l'autre dans l'avenir. De l'humour aussi, et du détachement. Je passais parfois par Paris pour faire écouter des nouvelles chansons. Le nom de Jan Ghazi revenait souvent. Je n'ai pas réussi à le rencontrer. Mon envie était difficile à décrire. J'avais surtout envie de discuter avec lui. Ce qui est délicat quand on est musicien, car chaque main tendue peut être interprétée comme une candidature. Dans mon cas, en autonome revendiqué parfois au prix d'un amalgame injustifié avec du sectarisme, je préférais mettre en avant que je n'avais pas besoin de tant de partenaires que ça, et que, souvent, ce qui me motivait, dans le secteur musical, c'est la rencontre pour la rencontre. J'aime par exemple fréquenter des musiciens, mais j'en appelle assez rarement pour mes enregistrements. Lorsqu'il s'agit de producteurs, réalisateurs, éditeurs, ou directeurs artistiques, il est délicat de leurs faire comprendre que j'aimerais m'entretenir avec eux, sans savoir vraiment pourquoi, sans projet. Ainsi, j'ai envoyé des tonnes de disques à Jan, avec mes chansons dedans. Puis j'ai pris mon téléphone, et me suis retrouvé une ou deux fois face à un caractère soupe au lait, ce qui est parfois difficile à recevoir. Quelques années plus tard, c'est grâce à mon ami Paul, du groupe Moon, que je pouvais enfin avoir une conversation avec Jan. Ayant moi aussi un caractère parfois soupe au lait, je restais à l'écoute de ce que ce directeur artistique de talent avait à me dire, au sujet de chansons que j'avais à proposer pour une des interprètes de son catalogue. Et je dois dire que le lexique, les perceptions et la direction artistique de Jan m'ont convaincu. En général, j'ai beaucoup de mal avec les gens qui occupent ce poste. Principalement parce que je ne tombe jamais d'accord avec eux. Mais dans le cas de Ghazi, les arguments étaient fondés et passionnants. La chanteuse Luce, pour qui il cherchait des chansons, a finalement chanté une chanson de Cléa Vincent et moi. Puis Jan a souhaité signer Cléa. De fils en aiguilles, nous nous sommes croisés un paquet de fois, y compris en studio. Je découvrais en même temps Mustang, Don Cavalli, dont Jan était le directeur artistique. Je découvrais aussi que nous n'avions pas que le caractère taciturne en commun mais aussi un bavardage assez important sur la musique, et les discussions que j'ai pu avoir avec Jan sont parmi les plus passionnantes que j'ai pu avoir avec un mélomane. Nous parlions de toutes sortes de chanteurs, musiciens, de Los Angeles, de La Femme, de Mathieu Boogaerts. Je sentis une telle oreille que j'eus très vite envie de lui faire écouter Baptiste W Hamon et Paulette Wright que je venais de découvrir. Puis nous jouâmes ensemble lors de fêtes de la musique ou de jams. Je l'invitais à jouer du steel guitar à mon concert de décembre 2011 pour la sortie de mon album "Radio Lee Doo". Sur ma chanson "Solenn", que nous avons interprétée ensemble avec les musiciens, je me souviens d'une couleur mélancolique et océanique comme rarement j'avais entendue sur ce titre. C'est après ce concert que j' eus envie d'enregistrer un jour un disque qui s'appellerait "Ballads" et dans lequel, mélangés à de nouvelles chansons, je glisserais une version de "Solenn" assez longue avec du pedal steel joué par Jan. Deux ans plus tard, nous rentrions en studio chez CBE, dans le 18e arrondissement de Paris. Jan Ghazi, est, je pense, un des directeurs artistiques actuels les plus intuitifs et érudits de Paris, avec Jean Baptiste Guillot de Born Bad et Victor Peynichou de Midnight Special Record.

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